21 février 2024
Elle parle des corps

Elle parle des corps n’est pas un livre sur les violences faites aux femmes mais c’est tout de même ici, en ce lieu que je choisis d’évoquer ce livre.

Le livre c’est elles, uniques, singulières, plurielles. C’est aussi la douleur, plurielle, suffocante, persistante. La narratrice se mêle à elle(s), à l’autrice, aux âges des elles, aux corps.

—————

et des prises de pouvoir sur le corps de l’autre, ce que cela ferait aux corps des filles, j’ai décidé d’en parler, même si je n’en sais rien, parce que tout ce que je possède pour raconter les plaies c’est un stylo sans couleur et c’est bien peu.

—————

Parfois la douleur est abandon, toujours elle s’inscrit dans le corps.

—————

Ce que ces personnages ont en commun ? Ils n’ont pas le même âge, le même sexe, mais il y a ce qu’ils vivent dans leur corps. Dans leur corps : l’abandon. L’abandon s’est glissé en eux et insidieusement poursuit un travail de sape qu’au dehors on soupçonne à peine,

—————

La puissance du livre tient aussi à la présence de l’écriture comme corps agissant, à la présence du livre comme une forme de corps d’abord nu, vide, la page blanche, puis se remplit comme antidote, peut-être, alors plein il peut exister, être présence au monde.

—————

Dans cette partie du livre, je veux parler de l’acharnement du corps qui monopolise toutes les ressources dont il dispose. Dans la blancheur trompeuse mais rassurante des pages restantes, il réclame sa place. Pour l’écriture de ce livre, c’est pareil. Il mène et je le laisse mener. Son existence ne fait aucun doute. Il parlera des ressources, de celles qu’on trouve forcément lorsque la vie, le souffle vital, est tout ce qui reste mais ne veut pas s’éteindre. Il faut continuer à vivre. Les y aider, eux qu’elle n’avait pas portés dans son ventre, c’était le métier qu’elle s’était choisi. Psychologue, écrivain, assassin, ou sage-femme, des destins qu’on se forge quand on a survécu à l’improbable et l’acharnement de naître là,

—————

Elle parle des corps à sa place ici. Il unifie le distinct. Il fait fresque des uniques. Il est un corps.

—————

Je ne chasserai pas ce flou autour d’eux distincts mais qui auraient pu n’être qu’un et être même, mais éclairés du dedans de leurs corps à des périodes différentes et pourtant d’un parcours unique, un peu comme un myope est contraint parfois de poser sur le nez ses lunettes et d’un coup les contours sans limites précises, ce fondu des paysages s’attaquant jusqu’aux corps des personnes aux identités confondues et c’est violent comme tracer une ligne noire au feutre pour séparer lui de lui. Je ne le ferai pas.

FacebookTwitter